L’écrivaine Kahina Benkhellat, à cœur ouvert.

Ecrire, lire, transmettre.

Originaire d’Akbou et résidant à Béjaïa, Kahina Benkhellat est enseignante, écrivaine et animatrice d’ateliers autour de la lecture. Elle vient de publier son premier roman, La croisée des destins, un récit centré sur une jeune femme forte et résiliente, Wiza. Passionnée de livres et proche de la nature, elle partage aujourd’hui avec nous son parcours, entre écriture, engagement et transmission.

L'écrivaine Kahina Benkhellat

Amaz-ling : Pour commencer, pouvez-vous nous parler un peu de vous et de votre parcours?

Kahina Benkhellat : Je suis Benkhellat Kahina, native d’Akbou, wilaya de Bejaia. J’ai grandi dans un village reculé, mais vibrant et très dynamique, entouré d’individus réputés pour leur amabilité, leur affection et leur solidarité. J’ai décroché mon baccalauréat au lycée Hafsa d’Akbou, poursuivi mes études à l’université de Bejaia où j’ai obtenu des diplômes en droit et en psychologie. Actuellement je suis enseignante et coach spécialisée en orientation scolaire
et psychologique.

Amaz-ling : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire un roman, votre premier ?

Kahina Benkhellat : Depuis mon jeune âge, j’ai toujours eu un penchant pour la lecture. C’était le moyen parfait pour donner libre cours à mes émotions. Durant la pandémie du COVID 19, j’ai ressenti un besoin irrésistible d’écrire l’histoire de Wiza, la jeune femme que j’ai croisée il y a quatre ans. Cet élan créatif a été déclenché par le long confinement de 2022.

Amaz-ling : Le personnage principal de votre roman, Wiza, semble mener une vie bien remplie. Qu’est-ce qui vous a inspiré son parcours ?

Kahina Benkhellat : En fait, l’histoire de Wiza est véridique. Je l’ai croisée il y a quatre ans alors qu’elle traversait une crise. A l’époque, j’étais coach et consultante bénévole dans une association ici à Bejaia. Par la suite, elle m’a sollicité pour écrire son histoire.

Amaz-ling : Comment avez-vous vécu l’expérience d’écrire et de
publier un premier roman ? Quels défis avez-vous rencontrés ?

Kahina Benkhellat : L’écriture a toujours occupé une place importante dans mon existence. Donc je n’ai jamais rencontré de difficulté à ce sujet. Les problèmes ont surgi lorsque j’ai entamé ma quête pour trouver une maison d’édition. Mon livre n'a vu le jour qu’après trois ans de bataille. 

Amaz-ling : Vous vivez à Béjaïa et êtes assez proche de la nature. Est-ce un environnement qui influence votre façon d’écrire ?

Kahina Benkhellat : Tout à fait, l’entourage et l’environnement jouent un rôle crucial pour stimuler l’inspiration des auteurs. Et Bejaia la perle de la méditerranée regorge de paysages féériques et paisibles, tels que les Aiguades, Cap Carbon,

Gouraya, et Toudja… etc. C’est dans ces lieux de grande beauté que je trouve ma consolation et ma sérénité.
Madame Kahina Benkhellat

Amaz-ling : La lecture semble occuper une place importante dans votre vie. Y a-t-il un livre particulier qui vous a marqué?

Kahina Benkhellat : Effectivement, je ne peux pas envisager une journée sans lecture. La colline oubliée, le roman de Mouloud Mammeri qui m’a le plus marqué. Un livre que j’ai découvert et lu à l’âge de treize ans. 

Amaz-ling : Depuis quelques semaines, vous encadrez un atelier de lecture et d’écriture à la bibliothèque publique de Béjaïa. Pourquoi ce choix ?

Kahina Benkhellat : En effet, grâce à cette initiative j’espère ranimer l’amour de la lecture chez les enfants. Je suis reconnaissante envers la bibliothèque publique de Bejaia pour son dévouement constant dans le domaine du livre et de la littérature.  Nous avons mis en place un club éducatif et créatif destiné aux enfants, qui comprenant divers ateliers, y compris un atelier de lecture et d’écriture, où chaque enfant doit sélectionner au moins dix ouvrages - avec la liberté de choisir la langue qu’il souhaite- à résumer.     Je corrige ces résumés et le comité du concours annonce les trois premiers lauréats à la fin de chaque mois, leur offrant des récompenses précieuses. Nous honorons également les autres enfants pour les encourager. 

Amaz-ling : Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le travail avec les enfants autour de la lecture et de l’expression écrite ?

Kahina Benkhellat : En tant qu’enseignante ayant passé de nombreuses années á travailler avec des enfants et des adolescents, ce que j’apprécie le plus chez eux c’est leur penchant pour l’exploration et la confiance qu’ils placent en vous, s’efforçant à ne pas vous décevoir. Dans cet atelier, j’ai découvert de nombreux talents. Des enfants qui ont choisis la bibliothèque en pleine période de vacances, ce qui me motive à leur consacrer mon temps avec joie.  

Amaz-ling : Vous faites travailler les enfants en arabe, en français et en amazigh. Que pensez-vous de cette richesse linguistique ?

Kahina Benkhellat : J’ai toujours affirmé que peu importe la langue, qu’il s’agisse du français, du tamazight ou de l’arabe, elle n’est qu’un outil, un instrument de communication et de transmission entre les personnes. Indépendamment de l’origine ethnique, l’essentiel est d’établir les liens d’amour et de solidarité entre les individus, notamment les enfants.

Amaz-ling : Vous avez récemment évoqué l'idée que le livre risque de disparaître dans un monde dominé par le numérique et l’intelligence artificielle. Cela vous inquiète-t-il ? Et comment y faire face selon vous ?

Kahina Benkhellat : Tout à fait, dans un monde largement dominé par l’intelligence artificielle et le numérique, où la banalité omniprésente s’est muée en tendance, notre société algérienne se trouve exposée à la dégradation morale, à la violence, et à la médiocrité. Nous nous reconnaissons plus beaucoup de notre héritage, de notre patrimoine culturel ancestral. L’acteur s’est transformé en bouffon, l’artiste en vendeur et l’école en une arène de catch…hélas.

Je suis profondément inquiète par le devenir de la famille et de la société algérienne. Les parents sont démissionnaires et les enfants sont livrés à eux-mêmes confrontés à une dégradation morale à cause des réseaux sociaux.  La seule manière de transformer et d’améliorer les choses est de retourner à la base, au fondement. Et le fondement de toute société civilisée repose sur l’éducation et la moralité.

On dit qu’il faut tout un village pour éduquer un enfant, ce dicton d’origine africaine était autrefois un phare pour notre société, à une époque où l’éducation était considérée comme une obligation collective, une responsabilité qui s’étend à l’ensemble de la société. Malheureusement, avec le temps, notre société a perdu son essence, l’image s’est renversée et la famille s’est retrouvée exposée à une culture étrangère qui n’a aucun lien avec la
nôtre … hélas. 
Amaz-ling : Dans votre parcours d’écrivaine et d’animatrice, recevez-vous le soutien de votre famille ou de vos proches ?

Kahina Benkhellat : Effectivement, l’entourage, y compris la famille et les amis, jouent un rôle très important dans la vie d’un écrivain. C’est grâce à leur appui et leurs encouragements que nous sommes en mesure de continuer sur cette voie honorable et d’en faire plus.

Amaz-ling : Avez-vous d’autres projets envisagés ?

Kahina Benkhellat : Tout à fait, j’ai de nombreux projets littéraires en tête, mais les responsabilités familiales et professionnelles entravent parfois ma progression…hélas.

Amaz-ling : Si vous pouviez formuler un rêve fort pour votre avenir — personnel, littéraire ou culturel — quel serait-il ?

Kahina Benkhellat : Mon désir est que l’auteur et son ouvrage atteignent le sommet et obtiennent la reconnaissance qu’ils méritent dans notre société.

Amaz-ling : Quel message aimeriez-vous transmettre à celles et ceux qui ont envie d’écrire mais qui n’osent pas se lancer ?

Kahina Benkhellat : Je pense qu’il est nécessaire d’avoir le courage de pénétrer ce vaste univers sans craintes, muni de connaissances, de patience, et surtout d’une passion débordante pour la littérature et le livre. Soyez audacieux et conscient et n’hésitez jamais de sortir des sentiers battus.

Amaz-ling : Veuillez conclure avec un souhait, un remerciement…

Kahina Benkhellat : Je vous suis très reconnaissante. Je souhaite la liberté et la paix dans le monde, et que les armes se taisent à jamais…

Interview réalisée par S.BENDALI

https://amaz-ling.blogspot.com/2025/07/lecrivaine-kahina-benkhellat-cur-ouvert.html


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